Syana avait froncé les sourcils, quand elle avait reçu la lettre. Elle ne recevait jamais de lettres d’habitude. Quand elle avait ouverte, elle avait été encore plus perplexe. Pendant un instant, elle s’était même demandée qui était ce Shouta et ce qu’il lui voulait.

Puis, elle s’était rappelée, et avait déchiré la lettre. C’était cet idiot à qui ses parent l’avaient fiancée. Qu’est-ce qu’il faisait à la capitale ? Pire, pourquoi voulait-il la voir ? Elle n’en avait aucune idée et, pour être honnête, elle ne voulait pas le savoir. Pour elle, tout allait très bien quand ils n’avaient aucun contacte et ne cherchaient pas à en avoir.

Elle avait la ferme intention de refuser. Ce n’était pas un petit gosse de riche sorti de nulle part qui allait lui dicter quoi faire. Pourtant, à l’heure où elle aurait dû se mettre en route, une voiture était apparue de nulle part. Vu les quatres gars baraqués, visiblement des gardes du corps ou quelque chose comme ça, qui en étaient sorti et qui s’approchèrent d’elle pour la faire monter dedans, elle avait préféré ne pas trop protester. Elle allait lui dire deux mots directement, à ce Shouta.

Un silence avait plané pendant tout le voyage en la voiture, et ils étaient arrivés au café à 15 heures 30 précise. Elle avait soupiré et s’était installée à une table. Elle se serait au moins attendue à ce qu’il soit déjà là quand elle arriverait, mais non.

Ça faisait maintenant un quart d’heure qu’elle poirautait. Elle serait bien partie, mais un garde du corps, le même qui lui avait dit qu’elle pouvait prendre ce qu’elle voulait sur la carte et que “Monsieur payerait”, l’avait gentillement reconduite à sa place, avec de moins en moins de délicatesse à chaque fois.

Enfin, “Monsieur” daigna passer la porte du café. Elle ne se leva pas, et mis un point d’honneur à l’ignorer royalement. Elle continua à boire son café indifféremment tout en les notes qu’elle avait prévu d’étudier cette après-midi-là. Il pouvait bien essayer de passer du temps avec elle, elle n’allait pas lui faciliter la tâche.

Lentement, Syana daigna enfin lever un oeil de ses notes.Visiblement, sa tentative pour faire comprendre à son “fiancé” qu’elle avait mieux et plus important à faire que de lui parler avait été un cuisant échec. Pire, elle était à peu près certaine qu’il avait compris, pour décider qu’il n’en avait rien à faire. Le message avait été suffisamment clair, non ?

Elle le regarda un instant, essayant de déterminer si on se foutait d’elle. La première chose qui lui sauta aux yeux, ce fut qu’il était jeune. Très jeune. Il devait avoir facile 4, voir 5 ans de moins qu’elle. Certes, ce n’était pas grand chose à l’échelle d’une vie, mais à cet âge-là, ça faisait une grande différence. Pour elle, c’était un garçon, pas un homme.

Ensuite, toujours dû à son jeune âge, il était du coup mineur, dans tous les sens du terme. Ça ne pouvait pas être une bonne chose, vu ce que le mariage, et les fiançailles impliquaient évidemment. Certes, elle ne comptait absolument pas remplir son devoir de ce côté-là, mais… ça restait tout de même quelque chose à garder en tête, au cas où.

Parce que la prochaine chose qui la frappa, c’était qu’il avait l’air très content de la rencontrer, et pas d’une manière qui lui plaisait vraiment. Certes, elle commençait à comprendre qu’il avait attendu ce moment pendant un certain temps, mais même. Niveau rentre dedans, on faisait difficilement mieux.

Elle fronça légèrement les sourcils. Bon… il parlait comme si on était au 18eme siècle. Certes, c’était un style, mais clairement pas son préféré. Au bout d’un moment, ce n’était pas parce qu’on était super riche qu’il ne fallait pas vivre avec son temps. De plus, elle n’était pas le genre de personnes qui appréciait qu’on fasse des manières. Elle soupira légèrement, se retenant de lever les yeux au ciel.

Au lieu de ça, elle jeta un regard aux fleurs en question. Honnêtement, elle n’y connaissait rien aux fleurs, et ce n’était pas une lacune qu’elle comptait combler de sitôt. Pour elle, ce n’était qu’un paquet de fleurs essentiellement roses, violettes et blanches.

Pourtant, elle ne pouvait pas nier qu’elles sentaient bon. Elle avait toujours eu un odorat plus développé que la moyenne, dû à son pouvoir, et les sentait de là où elle était. Lentement, elle se leva et les attrapa, avec la ferme intention d’enfouir son nez dans le bouquet.

Syana ne cilla pas en voyant tout ce que le jeune homme commandait. Clairement, il avait faim. Certes, elle se souvenait vaguement qu’avec la poussée de croissance, vers cet âge-là, elle aussi mangeait plus, mais ce n’était pas à ce point-là. Pourtant, elle se retint de faire un quelconque commentaire.

Au lieu de ça, elle se contenta d’enfouir son nez dans le bouquet pour mieux sentir les fleurs. Franchement, ce n’était pas quelque chose auquel elle pensait vraiment, mais il faudrait peut-être qu’elle se mette à en acheter une fois de temps en temps pour sa chambre. Ou peut-être une fleur en pot, ça serait moins coûteux…

Elle se perdit donc rapidement dans ses hésitations sur le style de fleurs à choisir. L’aspect n’était honnêtement pas quelque chose qui la branchait particulièrement, mais il faudrait qu’elle se consulte avec son binôme avant de prendre une décision de ce côté-là. Elle était plus préoccupée par l’odeur. Mais quelque chose de trop agressif ou puissant lui filerait rapidement une migraine, il faudrait donc qu’elle soit prudente.

Soudain, elle sursauta légèrement en se rendant compte que le serveur attendait une réponse de sa part. Les cafés, ça n’avait jamais été trop son truc. Elle avait toujours été un plutôt un oiseau de nuit, et elle avait tendance à ne pas trop voir l'intérêt d’un aprem en terrasse. Elle préférait nettement, quand elle voyait ses amis en journée, se balader ou se poser simplement dans la cour pour discuter. Venir dans un café n’était qu’un coup à se faire déranger.

En tout cas, le jeune homme n’était apparemment pas de son avis, sinon il n’aurait pas organisé le rendez-vous ici. Et le serveur attendait toujours une réponse. Zut. Elle réfléchit un instant, avant de sourire légèrement à celui-ci.

- Merci, mais ça devrait aller.

Pour être honnête, elle n’avait pas vraiment faim. De toute façon, elle évitait en général de manger entre les repas, sinon elle le sentait passer pendant les entrainements. Et elle ne comptait pas rester assez longtemps pour prendre un deuxième café.

Normalement, elle devrait expliquer tout simplement à Shouta que ces fiançailles n’étaient qu’un délir de ses parents, et qu’elle n’avait aucune intention de respecter les engagements qu’ils lui avaient pris. Avec un peu de chance, il comprendrait, la laisserait partir, et ne la recontacterait plus jamais. Peut-être qu’ils se croiseraient dans les couloirs de l’académie, mais pas plus.

D’ailleurs, elle allait lui dire tout ça maintenant, sans perdre plus de temps. Peut-être même qu’il la laisserait partir avec les fleurs, sait-on jamais. Elle prépara donc un petit sourire, mais prit quand même le temps de demander avant :

- C’est quoi comme fleurs ?

Elle ne pouvait pas s’en empêcher, comme ça elle pourrait au moins en racheter, et il serait ressorti quelque chose de bénéfique de cette entrevue. Maintenant, elle pouvait cracher le morceau et en finir.

- Alors… Je vais pas y aller par quatres chemins, j’ai absolument pas envie de faire ta connaissance. Rien contre toi, gamin, mais mes parents on fait un tas de truc cons quand j’étais petite, et ces fiançailles c’est un très bon exemple. Je propose donc que, maintenant que c’est dis, et comme je compte pas t’épouser de toute façon, on se sépare juste en se faisant la bise et on retourne chacun à notre petite vie tranquille.

Clairement tout sauf subtil, mais bon… ça avait jamais été son truc, de tourner autour du pot. Au moins, maintenant il n’y avait plus d'ambiguïté. Elle se leva donc, attendant que Shouta en fasse de même, tout en attrapant son sac en bandoulière et en l’enfilant.

Syana haussa les sourcils, d’abord en voyant que les gardes ne comptaient pas s’écarter, et ensuite en entendant l’une d’eux lui parler avec un ton particulièrement hargneux. Voilà qui était contrariant, au moins.

Elle n’était clairement pas du genre qui mépriserait cette femme parce qu’elle était visiblement inférieure à elle hiérarchiquement parlant, sans parler que cette supériorité ne lui était pas vraiment légitime. Par contre, ce n’était pas à cette femme qu’elle s’était adressée. Peut-être que c’était son boulot de protéger le gamin en question, mais pour autant qu’elle en sache, elle ne l’avait pas menacé.

Pendant un instant, elle observa la garde, pas de très bonne humeur tout à coup. Elle comprennait qu’elle veuille défendre son maître, mais il y avait des limites. Techniquement, celui-ci était un gamin, c’était un fait. Il n’y avait aucun mal à le dire, si ?

- C’est un gamin, non ?

Puis elle se tourna vers le jeune homme en question, l’évaluant rapidement du regard. Ce n’était pas du tout contre lui qu’elle était en colère, et il s’en rendrait probablement compte. Elle cherchait juste les arguments dont elle avait besoin.

- T’as... quoi ? 14 ans, maximum ? Donc t’es encore un enfant. Donc pas de quoi t'énerver, toi

Elle se retourna pour regarder la garde à sa dernière phrase. Pour elle, s’était logique, tout simplement, et c'était un peu triste de devoir l’expliciter. Même, c’était une des raisons pour lesquelles elle n’envisageait pas de remplir son “devoir”.

Même si elle n’était pas conditionnée à refuser tout ce qui venait de ses parents, c’était malsain d’envisager quoi que ce soit avec un gamin. Certes, il ne parlait pas de quoi que ce soit d’immédiat, mais même…

Et puis, à tous les coups, elle devrait faire gaffe à ce qu’elle ferait entre temps, n’aurait pas l’autorisation d’envisager une relation durable avec un autre gras, devrait probablement faire des choses avec lui, etc… Trop de contraintes auxquelles elle n’était pas prête à se soumettre.

Elle eut un petit sourire en coin, alors qu’il lui annonçait qu’il n’avait pas envie de l’épouser. Voilà qu’on avançait enfin… Son expression ne changea pas, quoi qu’elle se fit peut-être un peu plus insolente quand il arriva à la conclusion qu’elle était celle qui les empêchait de se rencontrer.

- J’aurais bien aimé, mais je crois que c’est plus mon père là. J’ai à peine entendu parler de toi il y a un moment, et puis plus de nouvelles avant maintenant. Il devait avoir peur que tu sois déçu…

Elle dût tout de même faire un effort, et prendre une grande inspiration, pour ne pas relever le fait qu’il l’évaluait comme il l’aurait fait avec une marchandise. Ce n’était pas très flatteur, mais mieux valait ne pas envenimer encore plus la situation.

Alors qu’il parlait, elle plissa légèrement les yeux. Il présentait vraiment ça comme un accord commercial, et ça ne lui plaisait pas du tout. Il était un moyen pour lui de débloquer de l’argent… Parfait. Au moins ça avait le mérite d’être clair, ce qui était un bon début.

- Non, et m’en fous totalement, pour être honnête avec toi.

Mais il lui restait un petit point à expliciter. Puis-ce qu’il la voyait comme un outil, il devrait savoir que si on veut que la main d'oeuvre coopère, il faut qu’elle ait un bénéfice dans l’affaire. La plupart du temps c’était un simple salaire, mais ici c’était plus compliqué. Elle savait tout ça surtout parce qu’elle avait entendu son père rabâcher les oreilles de Liam avec ce genre de préceptes, l’espérant voir avoir une carrière encore plus belle que la sienne.

- Et moi j’y gagne quoi ? Je te préviens, si tu me réponds un truc débile du genre “de l’argent et un mari super”, je pars, quitte à mettre mon poing dans la machoir de celle-là.

Elle pointa du doigt la femme qui avait parlé un peu plus tôt en défendant son maître. Pour être honnête, ça serait avec plaisir, mais elle n’allait pas dire ça à voix haute.

Syana soupira intérieurement. Visiblement, le gamin se prenait pas pour de la merde. Mais elle avait 4 ans de plus que lui, elle avait mieux à faire. Mais bon, apparement il ne semblait pas comprendre ce concepte-là.

Levant les yeux au ciel, elle soupira pour de bon à la remarque sur son père. Il l’exaspérait de plus en plus, à se considérer au dessus de tout le monde. Elle avait bien compris qu’il avait plus de manières qu’elle et qu’il était mieux élevé. Elle savait qu’il était très riche, c’était même la première chose que son père lui avait dit à son sujet. Mais ça ne changeait rien au fait qu’il était arrogant au possible. Il avait probablement aussi d’autres traits de caractère, mais pour l’instant il ne lui avait en gros montré que celui-là.

De son point de vue, maintenant qu’il était établi qu’ils ne voulaient pas se marier, les fiançailles n’avaient plus aucune valeur. Un quelconque héritage ne changeait rien là dedans. Alors il devrait la laisser partir de son côté et, s’ils se recroisaient, ils pourraient simplement s’ignorer mutuellement, comme s’ils ne s’étaient jamais rencontrés.

En plus de tout ça, elle n’aimait pas du tout que quelqu’un d’autre ait du pouvoir sur elle. Rien que le fait qu’elle ne puisse pas partir ne lui plaisait pas, et qu’il lui rappelle qu’elle n’avait aucune chance contre la garde du corps n’arrangeait rien. Mais ça ne s’arrêtait pas là. Elle commençait à comprendre qu’elle n'annulerait pas ces fiançailles d’un claquement de doigt et que tant qu’elles seraient valables, il aurait du pouvoir sur elle, d’une manière ou d’une autre.

Par pure principe, elle haussa légèrement les épaules avant de jeter un regard noir à la garde. Elle n’en avait rien à faire du fait qu’elle ait été à l’armée. De toute façon, elle avait conscience qu’elle ne ferait pas le poid face à quelqu’un dont le métier était tout de même de pouvoir battre n’importe qui qui s’en prendrait au petit blond. Elle était certes fière, mais un minimum réaliste aussi.

À contre coeur, elle se rassit sur la chaise. De toute façon, la colère était légèrement passée et elle savait parfaitement qu’elle n’avait absolument pas le choix. Elle soupira tout de même quand elle vit que la fameuse Abigaelle avait commencé un geste pour la forcer à s’asseoir au cas où elle ne le ferait pas d’elle même, avant de se stopper quand son maître avait précisé que l’hybride pouvait rester debout si elle le souhaitait.

Franchement, Syana avait un peu pitié de cette femme, qui semblait devoir chacun de ses mouvements à un ordre, explicite ou non. Elle savait très bien qu’elle même serait incapable de vivre comme ça, rien que le sentiment qu’elle ne pouvait pas partir quand elle le voulait l’oppressait légèrement. Mais un tel niveau de servitude engendrait un mélange de pitié et de dégoût chez elle.

Pendant le quart d’heure qui suivit, le gamin lui esposa en long, en large et en travers à quel point il était riche et puissant et à quel point elle le deviendrait en l’épousant. Vraiment, il avait l’air d’être si content de sa vie que c’en était presque amusant. On voyait bien qu’il n’enviait personne et qu’il trouvait normal que tout le monde rêve d’être à sa place. Il allait être bien surpris d’apprendre que ce n’était pas vraiment son cas.

D’abord, la richesse n’avait jamais été quelque chose qui l’attirait particulièrement. Du moment qu’elle avait de quoi vivre, confortablement de préférence, posséder des trillions lui importait peu voir pas du tout. Donc, dans la mesure où elle savait que son futur dans l’armée était plus ou moins assuré, ou du moins qu’elle aurait une solde stable et suffisante jusqu’à quitter les omnis, ça n’était pas ça qui allait la convaincre.

La puissance ne lui importait pas vraiment non plus. Elle était plus dans une optique de “vivre et laisser vivre” et se fichait pas mal de pouvoir forcer les autres à faire ce qu’elle voulait. Pire que ça, le gamin semblait totalement du genre à abuser de ce pouvoir. Ça ne faisait que contribuer à l’image de gamin pourri gâté qu’elle avait de lui.

Et enfin, tout ça ressemblait vachement à de la fausse liberté. Elle pourrait faire ce qu’elle voudrait, tant que ça restait acceptable pour la femme du grand Shouta Ooganemochi. Elle doutait franchement que ça reste une option de décider tout à coup qu’elle n’avait pas envie de faire ce qu’elle était censée faire mais plutôt d’aller dans un bar avec son binôme, de s’amuser, de boire beaucoup trop et de se réveiller le lendemain matin dans le lit d’un inconnu.

À la place de ça, elle voyait bien comment elle allait finir à une soirée mondaine, à sourire en dégustant du champagne et à discuter de la pluie et du beau temps avec des gens atrocement riche avant d’avoir compris ce qui lui arrivait. Le tout dans l’ennui le plus total. Mais elle ne pourrait à tous les coups pas partir, parce qu’elle était la femme de l’héritier Ooganemochi et que donc ça donnerait une mauvaise image de la famille.

En fin de compte, ce que le petit blond présentait comme des avantages n’en étaient pas vraiment pour elle, et le tout ressemblait plus à un amas de contrainte qu’à autre chose. Elle ne risquait pas d’accepter tout ça de sitôt.

La dernière phrase finit de la convaincre que ces fiançailles n’étaient pas faites pour elle. Déjà, parce qu’elle ne voulait pas d’enfants. Ça crie, ça pleure et ça demande trop de travail. Et ensuite parce que, si jamais elle en voulait, elle voudrait choisir avec qui elle les faisait, au moins. Son haussement de sourcils devait bien communiquer son avis sur la question.

Elle laissa un court silence avant de dire quoi que ce soit. Les yeux dans le vide, elle réfléchissait, vérifiant qu’elle ne passait pas à côté de quelque chose dans son raisonnement. Ça commençait à devenir un petit peu sérieux et elle voulait être sûre de ce qu’elle disait.

Alors… Déjà, avant de dire quoi que ce soit, contente pour toi que tu hérites de tout ça, vu que ça a l’air de te rendre heureux.

Ça pouvait paraître niais, mais elle préférait commencer par là, même si ça pouvait couler de source. Ça ne pouvait qu’être positif, et elle voulait qu’il soit clairement établi que son intention n’était pas de lui nuire. Avec ce qui allait suivre, ça pouvait être utile.

Ensuite, que ce soit clair, j’en ai rien à faire de l’argent et du pouvoir. Tu pourras essayer autant que tu veux, c’est pas quelque chose qui me fait envie. Donc pas besoin de m’expliquer à quel point ça changera ma vie et ça sera merveilleux, du moment que j’ai de quoi vivre, je m’en fous.

Deuxième fait utile d’établir. Maintenant qu’il savait ça, il comprendrait probablement bien mieux ses réactions. Au moins, comme ça, ça éviterait les malentendus. De plus, s’il y avait vraiment d’autres avantages à ce mariage qu’il n’avait pas mentionnés parce qu’ils semblaient ridicules à côté de la fortune et du pouvoir, il saurait que ça serait utile de les préciser. Personnellement, elle n’en voyait aucun, mais elle savait très bien qu’elle avait une fâcheuse tendance à passer à côté de choses totalement évidentes.

Elle devait sembler bien différente d’il y a 15 minutes où s’était énervée sur la garde du corps pour un incident sans importance, elle en avait parfaitement conscience. Mais elle était capable d’être calme et mature quand la situation le demandant. Maintenant que la discussion était devenue réellement sérieuse et qu’il n’était plus question ni d’un jeu de séduction débile ni d’un concours d’égo, c’était beaucoup plus facile de ne pas se laisser emporter.

-  Donc… y’a d'autres avantages, hors de l’argent dont je me fous totalement et du fait que je devrais toujours rester dans le domaine du correcte, ce qui risque de m’ennuyer assez vite ?

Elle essayait de réfléchir le plus vite possible, ses yeux tantôt dans le vide, tantôt dirigés vers le gamin. Pour une fois, elle n’avait franchement pas envie de rater quelque chose d’important. Cependant, un détail la dérangeait un peu.

-  Et pour l’héritage, tu peux pas juste discuter avec ton frère ou ta soeur et t’arranger avec lui ou elle ? ça simplifierait vachement les choses, non ?

Fixant le blond, elle attendit une réaction. Elle était partie du principe que s’il n’héritait pas, l'argent irait à un frère ou une soeur. Peut-être que c’était un oncle ou autre, elle s’en fichait. Le plus important, c’était qu’elle ne comptait pas l’épouser, mais qu’elle essayait de penser à une solution pour qu’il n’y perde pas trop.

Au fond d’elle, elle avait bien compris que ce n’était pas aussi simple que ça. Si ça avait été le cas, elle était à peu près sûre qu’il aurait annulé les fiançailles depuis un moment. Après tout, ce n’était pas parce qu’il était riche qu’il ne voulait pas choisir sa future femme lui-même. Elle soupira légèrement. Ça devait se voir qu’elle même ne croyait pas en ce qu’elle avait proposé. Mais bon...

Elle préféra faire une pause avant de continuer. Mieux valait attendre la réaction de Shouta, histoire d'être sûre. Et, même si c'était franchement pas son genre, elle commençait à réfléchir aux conséquences si elle acceptait ce mariage. Si elle pouvait toujours faire ce qu'elle voulait, qu'elle devrait juste avoir un enfant qu'avec un peu de chance elle n'élèverait de toute façon pas elle-même, ça valait peut-être le coup qu'elle y réfléchisse... En fait, elle accepterait seulement si ça ne changeait rien à sa situation actuelle. Ce qui lui fit d'ailleurs penser que la fidélité serait un sujet à aborder dans quelques instants...

Syana haussa un sourcil devant le reproche. Certes, il ne la connaissait pas, mais même s’il le croyait, dire ça à voix haute n’était pas une bonne idée. Depuis le début, elle avait fait un effort pour rester aimable, même si ça ne s’était probablement pas vraiment vu. Elle l’avait peut-être traité de gamin, mais ce n’était pas une réelle insulte pour elle, juste un constat.

À part ça, elle pensait avoir été assez claire sur le fait qu’elle n’avait rien contre le blondinet en tant que personne. Elle ne voulait juste pas l’épouser. C’était l’idée de mariage qu’elle détestait, et, à l'exception des amabilités profondes pour la garde, elle n’avait pas été agressive envers qui que ce soit.

Hors shouta, qui était tout de même en position de vouloir la convaincre, se permettait de lui faire des reproches sur ses choix de vie. Ça semblait évident que, si on voulait persuader quelqu’un de faire quelque chose, l’attaquer en tant que personne ou lui faire un reproche était une technique assez… particulière. Il devait vraiment avoir confiance en le fait qu’elle ne pouvait pas refuser pour se permettre ça.

De plus, il avait assez mal visé, s’il croyait qu’un commentaire comme ça allait la toucher. Déjà parce que par “ennuyer”, elle essayait juste de dire un peu élégamment que ça la faisait chier de se surveiller parce qu’elle avait une réputation à tenir. Visiblement, il avait mal compris, tant pis pour lui. Elle allait tout de même le corriger, pour éviter les malentendus.

- Je parlais pas de cet ennui-là. Je disais que ça me faisait chier d’avoir à toujours rester correcte, pas que je n'aurais rien à faire.

Ça devait se sentir dans sa voix qu’il l’exaspérait et l’amusait en même temps. Avec un peu de chance, il ne prendrait pas ça mal. C’était juste que c’était vraiment une situation débile. Ça lui apprendrait à essayer de rester polie.

Maintenant, les choses sérieuses. Ce qu’elle voulait savoir, avant de ne serait-ce que penser à accepter, c’était ce que ça changerait concrètement dans sa vie. C’était totalement possible que ce ne soit qu’un mariage de convenance et que ça ne change en fait rien. Peu probable, mais possible. Si c’était le cas, elle ne voyait pas pourquoi elle devrait pas accepter. Ça ne ferait qu’assurer son héritage à quelqu’un d’autre, pas d'inconvénient pour elle.

- Et… si j’acceptais, ça changerait quoi pour moi, concrètement ?

Au ton de sa voix, on devait sentir qu’elle ne considérait pas vraiment cette options sérieusement. Ça aurait pu être intentionnel, pour éviter que Shouta ne se mette à prendre son accord comme acquis, mais ce n’était pas le cas. Elle se doutait juste que le blondinet n’était pas du genre à ne pas tirer un maximum de profit de chaque situation ou personne.

Et puis, il y avait un point en particulier qu’elle comptait fermement aborder. Comme elle ne connaissait pas vraiment Shouta, elle ne savait pas s’il serait du genre à l’aborder de lui-même. Elle préférait donc ne pas prendre de risque et poser directement la question.

- Tu t’attends pas à ce que je te sois fidèle, si ?

Ça pourrait être évident pour beaucoup de gens que, dans un mariage, la fidélité était essentielle, mais pas pour Syana. Et ce pour trois raisons.

D’abord, parce que, pour elle, ça rendrait un certain nombre de soirées bien moins amusantes. Même sortir avec Iris, qui faisait pourtant les meilleures soirées ou presque, ne serait pas aussi intéressant si elle devait faire attention à ne pas trop se lâcher. Ça pouvait paraître immature, mais bon…

Ensuite, parce que Eros. Simple, mais bon… Pas qu’elle considère que ce soit particulièrement l’homme de sa vie, elle n’était pas du genre à penser comme ça. Mais même si ce n’était pas lui, elle préférerait nettement pouvoir choisir avec qui elle sortait sans avoir de comptes à rendre à un gamin de 15 ans.

Et enfin, parce que, même quand elle était en couple avec quelqu’un qu’elle avait choisi et qu’elle aimait, la fidélité ne lui venait pas naturellement. Elle avait du mal à se dire que, si elle trouvait mieux ou au moins aussi bien, elle ne pouvait pas juste s’amuser comme elle le voulait. Et ça, c’était quand elle avait choisi la personne. Là, comment dire qu’elle n’aurait pas vraiment de scrupules. Alors autant éviter les incidents en décidant qu’elle aurait le droit de faire ce qu’elle voulait sur ce plan, non ?