Mara déboula en courant dans le couloir et freina aussi bien qu’elle le pu devant la salle d'entraînement, où elle avait rendez vous avec Shiomizu Kyouki. Elle était à bout de souffle, et en retard. D’habitude, elle n’aurait pas vraiment été pointilleuse pour moins de 10 minutes, mais elle avait comme le pressentiment que la professeur n'appréciait pas le manque de ponctualité. C’était comme ça avec la plupart des professeurs en fait. Elle soupira.

Comme souvent, elle avait réussi totalement oublier ses obligations. Elle avait tranquillement déambulé dans les couloirs, tout en discutant avec des amis, jusqu’à ce qu’un de ceux-ci écarquille les yeux et dise qu’il allait être en retard pour dieu sait quoi, qui avait lieu à 18 heures.

Alors, comme un détail était revenu à l’esprit de la blonde. Elle avait rendez-vous avec la prof du club d’arts martiaux pour une histoire d'entraînement personnalisé, non ?  Elle avait pris le temps de soupirer longuement, puis s’était élancée dans un sprint jusqu’à ce qu’elle pensait être le lieu du rendez vous.

Evidemment, elle s’était trompée. Elle était déjà fatiguée, et ne savait pas du tout où ça pouvait bien être. Heureusement, elle avait croisé un étudiant du club, qui lui avait indiqué où c’était. Elle s’était à nouveau remise en route, courant à travers les couloirs de l’école.

Elle essaya de retrouver un minimum son souffle, puis s’avança vers la porte entra. Elle trouva la professeur au fond de la salle. Elle s’avança vers elle.

-  Désolée pour le retard, j’ai eu un petit contretemps.

Mara fronça les sourcils tout en s'asseyant. Elle était sérieuse, là ? Certes, c’était la première année où elle avait la blonde comme élève, mais si elle n’était pas fichue de se souvenir de son prénom, elle ne risquait pas de remonter dans son estime.

La jeune fille soupira. Valait mieux ne pas se fâcher. Ça ne ferait que se mettre la prof à dos, pour pas grand chose. Et puis, même si c'était pas la première fois, on avait tous droit à l'erreur. N’empêche qu’elle nota dans un coin dans son esprit que, si ça se reproduisait, elle pourrait s’énerver en toute bonne conscience. Pour l’instant, elle se contenta de rester calme.

-  Moi c’est Mara, pas Margareth, Madame.

Pourtant, les plis d’agacement sur son front s'évaporent quand elle aperçut les cookies. Elle adorait les cookies. On pouvait l’acheter sur à peu près n’importe quel sujet en lui donnant des biscuits. Elle les dévorait déjà du regard, tout en lorgnant du coin de l’oeil le lait, posé à l’autre bout du bureau.

Dès que la prof lui proposa d’en prendre, elle se leva légèrement, attrapa une serviette à un coin et posa deux cookies dessus. Ensuite, elle se servit du lait et se mit à déguster le tout, trempant minutieusement les cookies dans le lait, avant de les manger par petites bouchées, pour faire durer le plaisir.

Elle jeta un regard surpris à la prof. Déjà, elle s’attendait à recevoir un sermon à base d’aliments sans matière grasse, pas des cookies. C’était une très bonne surprise.

En plus, les cookies en question étaient hyper bon. Elle s’arrêta un instant pour l'inspecter. Clairement, c’était elle qui les avait faits. Ou elle avait demandé à quelqu’un de son entourage de les lui faire, mais elle en doutait. Comme souvent, la blonde était partie du principe que les profs n’avaient pas de vie, en dehors des cours. Elle ajouta mentalement “cuisine” à la courte liste de ce que Madame Kyouki savait faire, selon elle.

-  Merci ! C’est hyper bon !

Elle jeta un regard affolé autour d’elle. Quel dossier médical ? On ne lui avait jamais parlé d’un dossier médical. Ou sinon on lui en avait parlé et elle avait juste oublié. C’était très probable, mais elle préféra ignorer cette possibilité et partir du principe que ce n’était pas de sa faute.

-  Euh… Oups ? C'était important ?

Elle eut un petit sourire contrit à l’évocation de son retard. Bien sûr, elle n’allait pas dire à sa prof qu’elle avait eu 10 minutes de retard parce qu’elle avait une mémoire sélective, et que son cerveau n’avait pas identifié ce rendez-vous comme quelque chose d’important. Ce serait manquer de tact, et d’une manière tellement grotesque que même elle s’en rendait compte.

-  Hn… C’est… compliqué, on va dire.

Mara releva la tête. Mousse au chocolat ? Elle réfléchit un instant. Déjà, elle doutait fortement que les cookies puissent passer pour infectes. Franchement, ça faisait hyper longtemps qu’elle n’en avait pas mangés de si bon. C’était fou ! Donc, elle avait presque peur d’être déçue, si elle se mettait à attendre encore mieux.

En plus, il faut dire qu’elle n’avait plus vraiment faim. Deux cookies, c’était bien assez pour elle. Elle n’avait jamais eu un appétit débordant en fait. Elle mangeait beaucoup de choses, mais presque toujours en petite quantité. Elle soupira.

- Merci, mais je crois que je vais me contenter des cookies.

Elle reprit quand même un nouveau cookie, juste pour la forme. Elle n’allait pas le manger tout de suite, mais plutôt l’étaler sur toute la durée du rendez-vous. C’était vraiment juste pour le goût. Elle avait beaucoup de mal à faire ça avec quoi que ce soit d’autre que les cookies. Mais que voulez-vous ? Les cookies, c’est les cookies.

La blonde poussa un petit soupire de soulagement. Elle avait donc gaffé en oubliant son carnet de santé, mais pas trop quand même. Ça ne pouvait pas vraiment faire plaisir à la prof, mais ce n’était pas non plus une faute majeure. De plus, la femme n’avait pas l’air vraiment énervée. Mara avait appris au fur et à mesure du temps que ce n’était en fait pas toujours bon signe, mais elle ne pensait pas que c’était le genre de cette prof-ci de prendre un ton mielleux pour mieux vous engueuler ensuite.

Quand madame Kyouki se remit à parler, la blonde se figea. Son attitude se situait un peu entre l’enfant de quatre ans pris la main dans le sac entrain de faire une bêtise et le lapin pris devant les phares d’une voiture.

A l’intérieur de sa tête, on peut dire que c’était un peu la pagaille. Comme souvent dans ces moments là, c’était comme si chacuns de ses neurones avait un avis différent sur la marche à suivre, et qu’aucun n’arrivait à convaincre les autres. Elle fixa quelques instants le sol.

- Euh…

Le pire, c’était que la prof avait totalement raison. Mara savait très bien qu’elle allait ressortir de là avec des restrictions alimentaires et des exercices de musculation. Et que ce soit clair, elle ne réduirait pour rien au monde sa consommation de cookies, et encore moins pour un cours extrascolaire débile qui ne comptait même pas dans sa moyenne.

Elle soupira, et décida que la meilleure solution était d’avouer. Faute avouée à moitié pardonnée ? Elle eut un petit sourire nerveux et releva la tête.

- On peut dire ça comme ça...

Mara se rendit compte de sa boulette un peu trop tard. Elle ne pouvait plus vraiment rectifier le tire. Tant pis. De toute façon, la prof ne semblait pas relever, et il valait mieux ne pas forcer le trait, et attirer l’attention sur son erreur. Ça ne pourrait pas jouer en sa faveur.

Elle plissa les yeux, alors que la prof étirait le premier a de son prénom. Elle n’avait tout de même pas oublié, si ? C’était grave quand même, elle venait de le lui dire. C’était pas possible, d’avoir une telle mémoire de poisson rouge…

Soigneusement, elle passa sous silence le fait qu’elle ne valait absolument pas mieux. Il y avait une raison pour laquelle elle appelait tous ses profs “monsieur” ou “madame”... C'était juste qu’elle, elle avait intégré ce défaut et prenait soin de ne jamais appeler les gens autrement que “toi”, pour éviter toute chance de se tromper.

Quand la prof finit enfin par dire la dernière syllabe de son nom, le visage de la blonde se relâcha. C’était moins pire que ç’aurait pu l’être. Si elle s’était trompée, elle se serait probablement énervée. Hors, il fallait qu’elle garde en tête que le sport lui serait primordial pour remonter sa moyenne et compenser ses faiblesses en math. Elle n’avait pas remarqué que la prof fasse preuve de favoritisme, mais il y avait toujour une part d'inconscient dans ces choses-là.

Son regard se balada un peu partout dans la pièce alors que la prof posait sa question, sauf du côté du bureau. Il ne fallait surtout pas qu’elle croise le regard de la prof, pour pas qu’elle voit qu’elle n’aurait pas pu voir plus juste. Son attitude actuelle le montrait probablement tout aussi efficacement ce fait, mais bon…

- Bah… parce que c’est stylé

Tout à coup, elle tiqua. Est-ce que la prof était réellement la mieux placée pour lui faire ce genre de réflexions ? On ne peut pas dire qu’elle se soit beaucoup investie jusqu'à maintenant, ni qu’elle s'entraîne des masses.

En gros, elle n’en faisait pas lourd, pour ensuite lui reprocher de ne pas assez s’investir. Y’avait un peu d’abus, non ? Elle soupira, et croisa le regard de la prof, et pris son courage à deux mains.

- Et vous, pourquoi vous êtes au club d’arts martiaux ?

Le sous entendu était assez clair. Peut-être même un peu trop clair. Une fois que les mots ont franchit ses lèvres, toute la réflexion sur le sport pour remonter la moyenne revint à l’esprit de Mara. Elle avait fait comme qui dirait une petite boulette. Peut-être bien qu’elle redoublerait à cause de cette phrase.

Mara fronça les sourcils. La prof ne semblait pas convaincue. Pourtant, c’était la vérité. Elle n’allait tout de même pas s’inventer des motivations. Elle avait choisi ce club au début de l’année parce que c’était cool de faire des arts martiaux. Au fil de l’année, elle avait perdu sa motivation à fournir un véritable effort, c’était aussi simple que ça.

Elle réfléchit un instant. Il y avait vraiment des gens qui disaient ça ? Pourtant, elle croyait que les clubs, ça ne comptait pas. Quoi que… Maintenant, elle se mettait à l’espérer. Si ce n’était pas le cas, elle venait probablement de faire chuter sa moyenne, sans même s’en rendre compte.

Elle se dit que mieux valait faire comme si de rien n’était, et ne pas y penser. Il n’y avait que deux options. Soit ça ne comptait pas, et alors tout allait bien. Soit ça comptait, et alors, le mal était fait. Ça ne servait à rien de s'inquiéter pour quelque chose qu’elle pouvait plus vraiment changer. Elle ne se voyait pas trop remonter dans l’estime de la prof maintenant.

Pourtant, après réflexion, elle était à peu près certaine que ça ne comptait pas. Sinon, elle aurait fait un petit peu plus attention. En plus, à la manière dont la prof l’avait dit, on sentait qu’elle trouvait ça ridicule. Evidemment, ça pouvait toujours être simplement qu’elle considérait qu’il fallait choisir son club selon sa passion et non selon sa moyenne, mais bon...

Du mieux qu’elle put, elle cacha cet instant d’hésitation à la prof. Déjà qu’elle était venue en touriste, elle ne voulait quand même pas passer pour une demeurée qui hésitait sur ce qui comptait ou non dans sa propre moyenne.

Elle haussa les sourcils à nouveau, alors que la prof expliquait comment elle en était arrivée à faire partie du club d’arts martiaux. Clairement, il y avait au moins un petit trou dans son explication : pourquoi c’était pas le prof de maîtrise d’arme qui était en charge de ce club ?

Certes, madame Kyouki avait eu une priorité sur le poste, mais ça voulait dire qu’elle avait choisi de le prendre malgré qu’elle n’y connaisse rien plutôt que de le laisser à un collègue plus compétent. Décidement, elle ne remontait pas dans l’estime de la blonde.

Elle soupira tout en réfléchissant à la question. Pourquoi les arts martiaux étaient stylés ? Eh bien… parce que. Ça avait toujours été cool de savoir se battre. Et les arts martiaux donnaient un air de facilité presque plus impressionnant que d’autres sports de combat. Enfin, dans la tête de Mara, c’était un peu plus confus, mais c’était ça le principe.

- C’est cool de savoir se battre. Et je suis trop petite pour faire de la boxe ou ce genre de choses…Mais pourquoi c’est pas le prof de maîtrise d’arme qui est en charge du club si vous n’y connaissez rien aux arts martiaux ?

Mara fixait ses pieds. Au moins, ça avait le mérite d’être clair. Elle s’était laissée emportée et n’avait pas assez réfléchi avant d’ouvrir sa bouche. Tout ça avait été très peu apprécié par la prof, qui lui faisait savoir que ça avait été une grosse erreur. Même elle était capable de comprendre ça.

Le pire, c’était qu’elle n’avait même pas vraiment fait exprès. Certes, elle trouvait madame Kyouki incompétente, et même si elle ne s’en cachait pas, son intention n’avait pour autant pas été de lui cracher directement au visage. Elle voulait simplement lui demander pourquoi elle avait accepté la charge de ce club alors que, c’était un fait, elle n’y connaissait rien.

Mine de rien, en s'énervant froidement, la prof avait évité de répondre clairement à la question. Mara ne voyait pas vraiment pourquoi, mais bon… Peut-être qu’elle avait une motivation seulement à moitié avouable. Si ça se trouve, elle avait juste besoin de l’argent. La blonde ne s’était pas renseignée, mais ça paraissait logique qu’il y ait un salaire supplémentaire quand on prenait la charge d’un club.

Pourtant, c’était typiquement le genre d’argument que Mara comprendrait très bien, bien mieux que les esquives plus ou moins louche. En plus, vu sa situation personnelle, elle n’en tiendrait absolument pas rigueur à la prof, et compatirait même si elle avait l’air d’en avoir vraiment besoin.

Bien que la question lui brûle les lèvre, elle ne la posa pas. Même pour elle, qui parlait de tout et de rien assez ouvertement, ce n’était pas un sujet facile et elle préférait souvent l’éviter. Visiblement, la prof était plus pudique sur ce sujet, et la blonde respectait parfaitement ça. Elle n’insiterait pas.

De plus, elle avait appris de la mésaventure avec Fiora. Maintenant, elle se méfiait avant de sous entendre quoi que ce soit. Même si ses conclusions lui paraissaient totalement logiques et irréfutables sur le moment, ça ne voulait pas dire qu’elle ne pouvait pas se tromper. Et sous entendre quelque chose de désastreux avec une amie, c’était déjà embarrassant, alors avec une prof… clairement pas une bonne idée.

Donc, elle se contenta de hausser les épaules, tout en se demandant si madame Kyouki se rendait compte que ce qu’elle venait de dire s’appliquait tout aussi bien à elle. Elle venait d’invoquer l’excuse de la tradition pour s’épargner l’effort de diriger vraiment le club. Certes, Mara avait conscience d’être en tort, mais même…

- C’est fou, moi aussi

Aussitôt après avoir parlé, elle se rendit compte que ce n’était pas spécialement une bonne idée de dire ça, surtout juste après avoir été insolente quelques instants plus tôt. Pourtant, il était trop tard. Elle décida donc de soutenir le regard de la prof. Elle était convaincue de ce qu’elle disait, et même si ça ne ferait pas plaisir à entendre, elle ne se soumettrait pas aussi facilement cette fois-ci. De toute façon, le mal était fait, ce n’était pas comme si ça changerait grand chose au point où on en était.

Là, mieux valait probablement se taire et accepter la remarque. C’était vrai, elle avait pris un exemple au hasard, sans y réfléchir vraiment. Elle avait fait encore une erreur, mais bon… Elle se contenta de dire doucement :

- ‘Fin vous avez compris ce que je voulais dire. La force brute, tout ça tout ça, c’est pas trop mon truc. Et puis c’était juste un exemple.

Mieux valait ne pas insister, vu ce qu’elle venait de dire juste avant. Elle était déjà bien assez dans le pétrin comme ça, ce n’était pas une bonne idée de défier à nouveau la prof.

Ah… Voilà qui n’allait pas être bénéfique pour sa moyenne. Si seulement elle avait pris un autre club. Tir à l’arc, musique, n’importe quoi d’autre. Clairement, c’était le pire des clubs, même s’il avait l’air cool.

Quand même, cette prof avait la capacité de remise en question d’une huître, c’était un peu affligeant. Elle avait repoussé toutes ses remarques par des arguments préparés, sans se poser cinq secondes pour réfléchir à ce qu’elle était entrain de dire.

Ça paraissait évident pour la blonde qu’elle parlait du fait que la prof avait passé 6 mois assise sur une chaise, à regarder les autres travailler. Certes, elle s'investissait un peu plus maintenant, mais ça ne compensait pas plus d’une demi-année scolaire d’inactivité totale. À la limite, ça aurait pu excuser, mais vu son attitude même pas.

Pour être honnête, Mara détestait les gens qui faisaient le minimum, pour ensuite crier qu’ils étaient super investis dès qu’ils levaient le petit doigt. Même si l’on pourrait le croire, ce n’était pas du tout ça qu’elle faisait. Si la prof lui posait la question, elle ne mentirait pas en disant qu’elle avait envie de faire de son mieux et que ce club était le centre de sa vie. Elle avait choisi de se concentrer plutôt sur d’autres choses et elle ne s’en cachait pas.

Alors que Madame Kyouki prétende qu’elle faisait un travail qu’elle présentait comme titanesque, ça l'horripilait. La vérité, c’était qu’après avoir accepté la charge d’un club dans lequel elle n’avait aucune connaissance, elle était restée assise pendant six mois et profité du supplément sur son salaire. Maintenant, elle s’était peut-être réveillée et avait décidé de faire ce qu’elle aurait dû entreprendre en septembre. Ce n’était probablement même pas son choix à elle, elle avait dû se faire secouer un peu par ses supérieurs ou quelque chose comme ça.

En tout cas, elle venait de baisser encore plus dans l’estime de Mara. De “flemmarde faisant mauvais usage de son autorité” à carrément “fainéante hypocrite à la conscience tranquille”, ce qui était tout sauf une amélioration.

-  C’est vrai qu’après six mois de dur labeur assise sur une chaise à bouquiner, faut bien au moins ça…

Elle marmonna, certes, mais clairement assez haut pour que la prof l'entendre distinctement. Ça lui avait plus ou moins échappé, mais au point où elle en était, ça ne changerait plus grand chose. Elle allait devoir faire des efforts encore plus grands dans d’autres matières, comme la physique, si elle voulait réussir son année. Tant pis.

-  Vous devez bien faire des heures sup pour compenser, hein ?

Encore une fois, elle n’avait pas parlé très fort, mais la prof l'avait très bien entendue. Les yeux plissés, elle la scrutait. Même si elle ne l’aimait pas en tant que prof, c’était clairement établi devant un moment, maintenant elle ne l’aimait pas du tout en tant que simple personne non plus, en dehors de sa manière d'enseigner ou, dans le cas présent, de ne pas enseigner.

Mara haussa les sourcils en écoutant la prof. Donc, elle pensait qu’elle allait pouvoir se dédouaner avec un simple “j’ai pas d’expérience” pour six mois d’inactivité intensive. Bien essayé, mais on ne la lui faisait pas.

Ce n’était pas comme si elle avait été forcée à prendre la charge de ce club, même si elle semblait l’oublier. Si elle savait qu’elle n’était pas en mesure de s’occuper correctement des élèves, elle aurait aussi bien pu refuser le club et le laisser à un autre prof plus compétent.

Pourtant, elle avait préféré prendre ces engagements en sachant qu’elle ne pourrait pas les tenir. Elle n’avait donc aucune excuse. Ensuite, pendant plus de la moitié de l’année, on allait pas lui faire croire qu’elle était entrain de se renseigner sur des méthodes d'entraînement. Elle était clairement entrain de potasser des bouquins sur le jardinage, ce qui n’avait quand même absolument rien à voir.

Ensuite, après tout ce temps, elle se réveillait et décidait de s’investir un minimum. Et elle demandait à Mara de se rouler par terre de reconnaissance. Oui, mais non. Elle n’allait pas remercier qui que ce soit de faire un tout petit peu plus que le minimum après six mois de je-m’en-foutisme total.

Donc, elle se contenta d’un petit sourir ironique en coin. Elle commençait à comprendre que la prof était ce qu’on appelait un cas désespéré. Impossible de raisonner avec elle, elle était bien trop occupée à se complaire dans sa petite bulle en refusant de voir quoi que ce soit de l’extérieur.

- Si vous le dites…

C’était bien moins agressif que quelques instants plus tôt, mais ça suffirait à montrer à la prof qu’elle ne la croyait pas. Pour l’instant, Mara voyait bien qu'elle perdait son temps. Ça ne servait à rien de répéter encore et encore les mêmes arguments à une sourde.

Ne s’y attendant pas, la blonde ne réagit pas quand la prof se leva et lui tapota la tête. Elle se contenta d'écarquiller les yeux, profondément surprise. Qu’est-ce que ? Pourquoi elle avait fait ça ?

Alors qu’elle comprenait et intégrait ce qui venait de se passer, Mara sentit la colère monter en elle et bouillonner. Ok… Cette prof était une garce. Elle allait le lui payer.

D’abord, c’était clair qu’elles ne s’appréciaient pas, mais ce n’était pas une raison pour se montrer aussi odieuse. Pour la bonde, ça pourvait juste que la prof n’avait plus d’arguments, ou plus envie d’argumenter, et changeait la nature de la conversation pour rappeler à Mara que, quoi qu’elle pense, elle avait tort. Et pas à cause des fait ou de la vérité, juste parce que c’était elle l’élève, pas la prof.

Trop en colère, Mara ne releva même pas l’étonnante rapidité de la prof, et la maîtrise de son geste. Elle était trop furieuse pour faire vraiment attention à ce qui l’entourait. Elle se contenta donc de serrer très fort les poings, jusqu’à sentir ses ongles s’enfoncer dans sa paume.

Mara n’était pas vraiment du genre violent d’habitude. Ce n’était pas son style, de mettre son poing dans le nez des gens à la moindre contrariété. Pourtant, à cet instant précis, ce n’était clairement pas l’envie qui lui manquait, et elle n’avait pas suffisamment la tête froide pour se rendre compte que ce n’était pas une bonne idée.

La seule chose qui l’en empêcha, c’était qu’elle n’en eut pas le temps. Techniquement, elle n’aurait pas eu le temps de se lever, prendre de l’élan avec son bras puis enfoncer son poing dans la figure de la prof. Dommage. Elle se contenta donc de se lever en trombe, plus en colère qu’elle ne l’avait été depuis un long moment.

Elle avait parfaitement conscience qu’elle ne pouvait rien faire. Elle se contenta donc de fixer furieusement la prof, incapable de dire quoi que ce soit. Son regard parlait probablement assez bien pour elle.

Alors que la prof la réprimendait, Mara fronça légèrement les sourcils, sans pour autant abandonner son regard haineux. De quoi est-ce qu’elle parlait encore, celle-là ? Elle pouvait pas juste ou se taire et la laisser partir, ou au moins être clair ? En plus, elle osait sourire gentiment, genre “t’inquiètes, on va faire la paix”.

Le sens de la phrase de la prof s’éclaira tout à coup avec le regard qu’elle lança à l’adolescente. Donc, elle parlait de ça… Clairement, elles n’avaient pas les mêmes priorités. Celles de Mara, c’était de décider où elle allait frapper en premier, pas comment elle allait regarder la personne. Elle savait très bien qu’elle n’était de toute façon pas intimidante quoi qu’elle fasse, donc ça ne servait à rien.

N’empêche… Waw. Cette expression qui semblait presque bienveillante quelques instants plus tôt avait changé du tout au tout. Maintenant, on aurait dit que la prof avait très envie de lui faire manger ses propres entrailles.

En un instant, elle était passée de gentille à profondément malveillante et sadique. C’était très impressionnant, la blonde ne pouvait pas le nier. Elle ne parvint pas à réprimer un frisson quand leurs regards se croisèrent.

Elle ne savait pas ce qu’elle avait fait, mais maintenant elle avait l’air très, très dangereuse. Ça ne semblait plus du tout une bonne idée de ne serait ce que penser à lui donner un coup. Un peu plus, et Mara aurait eu très envie de fuir très loin.

Alors que la prof levait la main vers son visage, elle recula instinctivement et buta contre sa chaise. Maintenant, ça ne faisait pas de doute que, si elle avait voulu contourner le siège pour pouvoir reculer un peu plus, la prof serait sur elle avant qu’elle n’ait le temps de s'exécuter.

Pourtant, Mara dû se faire violence pour ne pas laisser échapper un sourire insolent. Clairement, la prof était certaine qu’elle n’avait jamais été face à des gens dangereux qui lui voulaient du mal, et elle jouait là-dessus. Tant mieux. Plus elle la sous-estimerait, mieux ça serait.

La prof semblait totalement oublier où Mara avait grandi. Depuis qu’elle était toute petite, elle avait dû faire face à des situations où elle était en danger, et où elle était certaine que personne ne viendrait la sauver. Son père était toujours absent, son frère ne lui serait pas d’une grande utilité et ses amis étaient trop bien avisés pour se lancer dans une bataille perdue d’avance. Mieux valait une victime que plusieurs.

Évidemment, en passant tout son temps dans les quartiers les plus mal famés de la ville, elle avait bien dû apprendre à se débrouiller. Certes, la prof projetait une impression bien plus impressionnante que la plupart des petits voyous qu’elle avait croisé, mais elle avait assez d’expérience pour savoir comment réagir.

Et l’une des premières choses qu’elle avait dû comprendre, c’était qu’elle ne devait pas se laisser impressionner. Jamais. Si elle commençait à paniquer, elle était perdue. Elle avait donc appris à ne pas faire trop attention à l’apparence. Evaluer les dangers, oui. Perdre ses moyens, non. Elle devait à tout prix garder la tête froide.

Souvent, les gens étaient bien plus effrayants en apparence qu’ils n’étaient réellement dangereux. Et par chance, elle savait que c’était le cas ici, en tout cas c’était probable. La prof avait dit elle-même qu’elle était une incapable, et même si c’était possible qu’elle veuille qu’on la sous-estime, ça paraissait peu probable. Quoi que, ça ne surprendrait plus la blonde qu’elle se serve de sa soit disant incompétence pour ne pas avoir à s’investir, mais ça n’était pas le sujet.

Ensuite, il fallait réagir vite, alors que l’adversaire ne s’y attendait pas. Elle n’utilisait pas trop toutes ces connaissances pendant les combats en binôme ou au club parce que le but n’était pas le même. D’habitude, le but était de se battre, là où dans ce cas-ci, elle voulait juste faire assez mal à l’autre pour se donner le temps de fuir.

Elle n’hésita pas un instant, et décida de se servir de son pouvoir. Elle ne pouvait pas nier qu’elle avait peur, elle était terrifiée. Mais là où d’autres seraient pétrifiés, elle régissait. Elle avait d’ailleurs conscience que c’était là son seul avantage, et elle devait l’exploiter le mieux possible.

Retourne t’asseoir!

Pas des plus efficaces, mais ça devrait aller. Elle savait très bien que son pouvoir était plus ou moins efficace en fonction des gens, donc elle devait se méfier. Même si elle n’avait rencontré personne qui puisse résister à son hypnose, certaines personnes reprennaient leurs esprits plus vites que d’autres. C’était possible, même si peu probable, que la prof s’assoit à toute vitesse, pour se relever aussitôt.

Sans perdre un instant de plus, Mara se précipita vers la porte, laissant madame Kyouki derrière son bureau toujours recouvert de cookies et de boissons.